The Great Annihilator - Swans
The Great Annihilator fait partie de ces chefs d’œuvre intemporels qu’on ne veut, ou ne peut pas écouter tous les jours sous peine de sombrer dans une dépression morbide. C’est le neuvième album studio du groupe. Pas forcèment le préféré des fans de Swans mais peut-être le plus approprié pour découvrir leur univers si particulier.
Swans est formé par Michael Gira au début des années 80 et est souvent assimilé aux courants Indus ou No Wave. Avec le recul, le style très sombre, très lourd et très lent des premiers albums s’apparenterait plus au Dooom metal, genre qui n’existait pas encore vraiment. D’ailleurs, le groupe n’a jamais fait partie du monde du metal qui, à l’époque, s’orientait plutôt vers une surenchère de vélocité.
En 1994, année où est enregistré cet album, le groupe a bien changé. Déjà il s’est etoffé d’un nouveau membre en la personne de Jarboe (en fait depuis le milieu des 80’s) dont le timbre particulier vient contraster les ambiances très sombres qui sont toujours l’apanage du groupe. Et puis musicalement, leur registre est plus riche et varié qu’à leurs débuts, capable de passer de la ballade fragile à un drone surpuissant, tout en restant cohérent et en gardant cette ambiance post-apocalyptique qui leur est propre.
Dès les premières notes de ''In'' on est transporté dans une caverne obscure où règne la désolation, la folie… et Swans. Rythmes martiaux soutenus accompagnés de chœurs lointains et de sonorités dissonantes. Quelques rires d’enfants, résidus de bonheur, témoignage lointain d’un monde extérieur dont on ne fait plus partie. ''I Am the Sun'', Michael Gira, le soleil ténébreux de cette caverne, auréolé d’écho solennel, nous accueille. ''She lives!'', un riff de guitare sèche répété à l’infini, un orgue lointain, l’astre mélancolique nous remercie d’avoir rejoint son monde (Now I just want to thank you/For going insane). Hypnotisé, on s’enfonce lentement, happé par les rythmes toujours plus répétitifs, toujours plus claustrophobiques. ''Mother/Father'', ''My Buried Child'', ''Alcohol The Seed'', ''Killing For Company'', ''Telepathie''.
Jarboe vient parfois éclairer un peu cette caverne par des mélopées d’une pure beauté où l’ambiance morbide est remplacée par une cruelle nostalgie ''Mother’s Milk''. Mais, telle une torche illuminant les paroies d’une grotte, elle ne fait que révéler les vraies dimensions de la caverne, souligner les ombres tapies, et intensifier l’aliénation qui nous gagne.
On ne sort pas indemne d’un tel voyage. Swans, on ne les écoute pas tous les jours mais on y revient toujours périodiquement, emparé d’un envoûtant désir masochiste. Personnellement, je ne m’en suis toujours pas remis.
Octobre 2014, écrit par
rockit