Vinyls collection : Votre collection de disques en ligne

Lien vers la version alpha du nouveau site. (Données non-persistantes)

Lien donation PayPal pour aider à payer l'hébergement

Vous êtes ici : Accueil >> Index du Forum >> On Record >> La série « ACTUEL » du label BYG Records

La série « ACTUEL » du label BYG Records

Non Connecté thibaut
Inscrit le : 15/07/13
Membre Disque d'Or
1102 messages
Posté le 23/06/15 à 20:38
Beau à pleurer ce "Blasé"

Non Connecté lolivejazz
Inscrit le : 24/03/13
Membre Disque Diamant
3480 messages
Posté le 23/06/15 à 21:39

thibaut a écrit :
Beau à pleurer ce "Blasé"

+1
On touche au sublime...
Il fait partie de ma short list en Jazz

Non Connecté cush
Inscrit le : 18/02/11
Membre Disque Diamant
3236 messages
Posté le 23/06/15 à 23:13

porige a écrit :
Jeanne Lee y est merveilleuse (cela dit comme toujours)


Oui, le duo avec Ran Blake constitue une autre merveille !


thibaut a écrit :
Beau à pleurer ce "Blasé"



lolivejazz a écrit :

+1
On touche au sublime...
Il fait partie de ma short list en Jazz


Blasé fait partie des grands albums de Shepp, mais il y en a d'autres... Fire music, The magic of Ju-Ju, Yasmina, Black Gipsy, Force, les duos avec horace Parlan...

Non Connecté porige
Inscrit le : 21/06/15
Membre Disque Platine
1506 messages
Posté le 23/06/15 à 23:35
Personnellement j'ai un gros faible pour "Attica Blues" et surtout "The Long March" avec Max Roach

Non Connecté cush
Inscrit le : 18/02/11
Membre Disque Diamant
3236 messages
Posté le 23/06/15 à 23:59

porige a écrit :
Personnellement j'ai un gros faible pour "Attica Blues" et surtout "The Long March" avec Max Roach

"Force" est également en compagnie de Max Roach il date de 76, pour Attica c'est souvent son album que l'on cite en référence, il est plein de qualités et met en avant l'homme en colère, il est très "léché " et, malgré les grands moments qu'il comporte, honnêtement, ce n'est pas mon préféré.

Non Connecté cush
Inscrit le : 18/02/11
Membre Disque Diamant
3236 messages
Posté le 24/06/15 à 18:02
12 - Alan Silva : Luna Surface

Image utilisateur

From The Luna Surface Part 1- 14:10
From The Luna Surface Part 2- 14:10

Paris, le 17 août 1969

Bass – Beb Guerin, Malachi Favors
Drums – Claude Delcloo
Piano – Dave Burrell
Soprano Saxophone – Archie Shepp
Soprano Saxophone, Alto Saxophone – Anthony Braxton
Tenor Saxophone – Kenneth Terroade
Trombone – Grachan Moncur III
Trumpet, French Horn – Bernard Vitet
Violin, Composed By, Arranged By – Alan Silva
Violin, Viola – Leroy Jenkins

Image utilisateur

Plus jeune, Alan Silva a passé un bref moment dans l’Arkestra de Sun Ra, nul doute que c’est là qu’il a éprouvé cet attrait pour les grandes masses orchestrales. Pas moins de onze musiciens sont réunis ici, tous prêts à servir les desseins du leader. Vers la fin de la série Byg, celui-ci sera à nouveau la cheville ouvrière d’un grand rassemblement musical pour un projet encore plus fou, plus grandiose.

Alan Silva est bouddhiste, très croyant, il voit la vie au travers de ce prisme et a beaucoup travaillé sur lui-même. Pour lui tout, dans l’univers, est une manifestation de la « Loi merveilleuse ». Or, moins d’un mois avant l’enregistrement de cet album, l’homme a posé le pied sur la lune, on comprend mieux le titre choisi par Alan Silva, pour ce qui sera son premier album livré au public. Il a effectivement déjà enregistré « Skillfullness » mais la maison ESP n’a toujours pas trouvé les moyens financiers pour en assurer la fabrication et la diffusion.

Image utilisateur

Luna Surface va figurer la puissance de l’énergie véhiculée au travers du cosmos, l’auditeur sera plongé au beau milieu d’un magma sonore qui risque fort de le déstabiliser lors de la première écoute, s’il n’est pas familier des audaces sonores propres au free jazz. De la même façon que pour le « OM » de John Coltrane, il va falloir digérer ce premier mouvement inquiet et écouter à nouveau ce que nous proposent les onze musiciens pour « entrer dans la musique ».

Que du beau monde, Alan Silva a délaissé sa basse au profit du violon dont il va jouer aux côtés de Leroy Jenkins, il est vrai qu’avec Beb Guérin et Malachi Favors, les assises de la musique sont parfaitement assurées. Claude Delcloo, décidément à son affaire lors de ces sessions, va pulser tout ce joli monde dans le chaos de l’univers, côté gauche Dave Burrell plaque des accords dans le registre grave de son instrument avec intensité, tandis que les cordes des violons sont frappées, grattées ou frottées. Les souffleurs, tels des nageurs dans une piscine dont on ne voit dépasser que les bras et la tête, s’extraient par gerbe de l’océan furieux et éructent leur vocifération, sans ordre apparent, poussés avec violence par une force intérieure irrépressible. Tout est cris, hurlements, bouleversements, une énergie énorme se consume en même temps qu’elle se régénère de l’intérieur… Puis, petit à petit, la colère s’apaise, cuivres et anches se taisent, seules les cordes s’expriment, avec volubilité, encore bruissantes et bavardes, basses et violons lentement se lassent et laissent les sept autres musiciens, avec douceur, se poser sur… l’astre lunaire !
Un peu plus qu’un album, une expérience !

Image utilisateur




Non Connecté cush
Inscrit le : 18/02/11
Membre Disque Diamant
3236 messages
Posté le 26/06/15 à 16:44
13- Paul Bley: Ramblin’

Image utilisateur
(La pochette est plus fréquente avec la photo à dominante bleue sur fond blanc.)

A1 - Both 9 :30
A2 – Albert’love theme 9:23
A3 – Ida Lupino 3:30
B1 – Ramblin’ 5:50
B2 – Touching 7:30
B3 – Mazatalon 7:32

• Bass – Mark Levinson
• Drums – Barry Altschul
• Piano – Paul Bley

Recorded July 1, 1966, Studio RCA, Rome

Image utilisateur

Malgré les apparences cet album se distingue des autres dans la série. Il n’a pas été enregistré à Paris en 1969 comme la majeure partie des autres productions, mais à Rome en 1966. Paul Bley vient de céder à BYG les droits de diffusion et il est décidé de sortir cet album dans la série « Actuel ». La musique qu’il contient peut également s’estimer plus sage, plus douce et polie que la plupart des autres sorties de la série. On connaît le cheminement de Paul Bley, toujours un peu à la marge, ses enregistrements aux côtés d’Ornette sont restés fameux, il a joué free et a été membre de la Jazz Composers Guild qui deviendra bientôt la JCOA.

Il nous livre ici un album en trio : piano, basse, batterie, formule souvent choisie par les pianistes. Que dire ? Sinon que les amateurs du genre sont vraiment copieusement gâtés sur cet album, Paul Bley s’y montre subtil et particulièrement inspiré. Il ne signe qu’un seul titre, Mazatalon, le dernier titre du disque. Ramblin’ est d’Ornette Coleman, Ida Lupino de Carla Bley et les trois derniers sont d’Annette Peacock, même si une erreur sur la pochette crédite indûment Carla Bley pour le somptueux « Albert’love theme ».

Ce titre, en hommage à Albert Ayler, résume assez bien à lui-seul la manière de faire de Paul Bley. L’exposé du thème au piano est chaotique et hésitant, quelques dissonances accentuées par la basse dramatisent l’introduction. Puis, Barry Altschul, caressant les cymbales, tisse en toile de fond un effet sonore uniforme et continu, évoluant lentement par petites touches subtiles. Les formes semblent s'étirer, se déplacer avec une infinie lenteur, tout en hésitation et petit pas… Une tension, tout d’abord imperceptible, habite peu à peu les notes qui tombent avec force, ménageant la surprise de leur couleur, de leur forme et de leur densité. Cette stratégie du détour et de l’attente confine au sublime, les 9minutes et 23 secondes qui s’égrainent au ralenti, passent paradoxalement à une vitesse folle, là se trouvent le génie de Paul Bley, soudain devenu maître du temps.

Image utilisateur

Ida Lupino dont le thème ressemble à une chanson très simple, pleine de rebondissement mélodique, de force et de puissance, s’effrite lentement sous les doigts du pianiste qui instille un lyrisme inattendu, avant de rassembler les morceaux épars en une nouvelle formulation du thème.
Avec Ramblin’ on peut mesurer l’inventivité du maître sur tempo rapide, il joue à nous surprendre au détour d’une formule, d’une répétition de notes, d’un parcours inattendu qui démarre à un endroit et nous emmène imperceptiblement à un autre, très différent. Les accompagnateurs sont à la fête et brillent de mille feux, l’équilibre du trio est fantastique.

Retour au rêve avec Touching , nous voilà dans un monde flottant, aérien, molles sensations et graves vibrations. Cet univers onirique, fragile et d’une très grande sensibilité ne sera pas sans influencer les plus grands, on ne peut s’empêcher de penser par exemple à Keith Jarrett qui saura prendre la voie.

Paul Bley qui joua autrefois aux côtés de Charlie Parker, d’Art Blakey, d’Ornette Coleman ou de Charlie Mingus joue encore aujourd’hui, son dernier album, Play Blue, sorti l’année dernière sur ECM, est également de toute beauté…

Image utilisateur


Non Connecté cush
Inscrit le : 18/02/11
Membre Disque Diamant
3236 messages
Posté le 28/06/15 à 08:09
14 - Acting Trio: Acting trio

Image utilisateur

Face 1: Acting n°4
Face 2: Acting n° 13
Cello discordato n° 9

André Maurice, cello discordato
Philippe Maté, saxophone ténor
Jean-Pierre Sabar, piano

Image utilisateur

Cet album est particulièrement intéressant car il est une des premières manifestations de la recherche d’une identité de la « musique libre Européenne », il faut comprendre par là une musique improvisée qui ne fait pas référence au jazz et à ses dérivés. Bien des musiciens du vieux continent suivront une voie parallèle ou identique, on pense à des musiciens comme Evan Parker, Derek Bailey, Fred Van Hove, Han Bennink ou Peter Brötzmann pour ne citer que les plus actifs. Des musiciens Américains comme Anthony Braxton ou Steve Lacy, ainsi qu’un grand nombre issus de l’AACM de Chicago, naviguent dans les mêmes eaux. Ces mouvements plus ou moins souterrains sont importants, car ils sont à l’origine d’un lent glissement qui verra, quelques décennies plus tard, la créativité et l’innovation en matière de musique improvisée, appartenir autant à L’Europe qu’aux Etats-Unis. Par paresse on continuera à appeler « Jazz » ou « Free Jazz » les tenants de ce genre nouveau, mais la musique libre et improvisée se moque des étiquettes qui n’ont finalement pas d’importance.

Image utilisateur
Verso de la pochette: Philippe Maté et André Maurice

La musique déposée sur le sillon est donc entièrement jouée sans préparation préalable, elle représente donc un temps « t » prélevé de façon aléatoire dans un processus de création plus long. L'improvisation est ici le maître-mot, une improvisation collective qui s'efforce de s'éloigner des territoires musicaux connus et inventoriés, et cela s'entend, la démarche est radicale, pure et sincère.

La lecture des notes de pochette contient une interview de Philippe Maté et d’André Maurice pour le journal Actuel. Nous y apprenons que le violoncelle est accordé de façon à obtenir une octave grave supplémentaire, le violoncelle est aussi utilisé de façon percussive, l'instrument étant perçu dans sa globalité comme objet propre à émettre des sons. De même le piano est envisagé dans son entier, ainsi l'intérieur est percuté avec différents accessoires. La démarche du trio s'inscrit en dehors de toute référence musicale connue, "elle est, voilà tout". Convenons qu'il est toutefois impossible de s'extraire tout à fait de son milieu culturel, s'y opposer c'est déjà en tenir compte.

Le trio est vraiment très convainquant, Philippe Maté joue de façon très viscérale, créant un monde étrange et dissonant, Jean Pierre Sabar au piano n’est pas en reste, entre accords dramatiques et bruitages divers, il crée une dynamique impressionnante qui pousse le groupe, mais le plus intrigant c’est André Maurice qui à l’aide de son violoncelle organise une rythmique, à base de chocs, de frottements ou de bruits, qui s’échappe totalement du modèle afro-américain.

Par son approche radicale et différente, cet album représente certainement un moment fort de la série Byg Actuel.

Image utilisateur


(qualité moyenne)

Non Connecté baskerville
Inscrit le : 24/06/13
Membre Disque Platine
1955 messages
Posté le 03/07/15 à 21:46
Sans vouloir être insistant, quand peut-on espérer lire la suite …


Non Connecté cush
Inscrit le : 18/02/11
Membre Disque Diamant
3236 messages
Posté le 03/07/15 à 22:34

baskerville a écrit :
Sans vouloir être insistant, quand peut-on espérer lire la suite …


J'ai été absent pratiquement toute la semaine, je suis de passage pendant quelques jours et je repars ensuite encore une semaine...
Du coup le rythme se ralentit sévèrement et il faut que je me remette dans le bain...

Non Connecté cush
Inscrit le : 18/02/11
Membre Disque Diamant
3236 messages
Posté le 04/07/15 à 15:38
15 – Anthony Braxton: B-Xo/N-0-1-4-7a

Image utilisateur

A1 The Light On The Dalta 9:56
A2 Simple Like 9:22
B1 B-X0 / NO-47A 19:30

Alto Saxophone, Soprano Saxophone, Clarinet, Clarinet [Contrabass], Flute… – Anthony Braxton
Drums, Goblet Drum [Darbouka], Percussion – Steve McCall
Trumpet, Flugelhorn, Horns, Wood Block [Logs], Siren – Leo Smith
Violin, Viola, Flute, Harmonica [Mouth Organ], Organ [Hohner], Harmonica – Leroy Jenkins

Recorded September 10, 1969 at Studio Saravah, Paris.

Image utilisateur

Anthony Braxton est déjà depuis pas mal de temps à Paris lorsque ses deux compagnons, Leo Smith et Leroy Jenkins, le rejoignent pour cet enregistrement. Entre temps il a beaucoup joué avec les musiciens de l’Art Ensemble, au Lucernaire, à l’American Center et même au festival d’Avignon. Il a également fréquenté les rencontres musicales initiées par Byg Records.
Membre de l’AACM de Chicago, c’est un musicien particulièrement ouvert à toutes les musiques et à toutes les expériences qui entrent dans les studios « Saravah » en ce mois de septembre. Steve McCall, un pilier de l’association, sera le quatrième homme de l’aventure sonore.

Avec cet album nous voilà aux frontières de la musique contemporaine, à l’écoute le cousinage s’impose, d’emblée. Pourtant il faut modérer très vite cette impression, on ne fait pas disparaître si facilement une tradition bien ancrée dans le jazz et le musique noire. C’est d’ailleurs à cette période, pour balayer définitivement ce problème d’étiquette, que les jeunes musiciens se retranchent derrière le terme très approprié de « Great Black Music ». De plus, même si la musique est convenue à l’avance, préparée, codée et schématisée, elle n’échappe pas à ce qui fait l’esprit du jazz : l’improvisation, toujours d’actualité. On peut remarquer également un schéma typique du jazz présent sur le titre de Leroy Jenkins « Simply Like », en effet la structure académique thème/improvisation/thème est toujours présente.

Image utilisateur

Par contre le rôle de Steve McCall a fondamentalement évolué. Il ne marque plus le rythme derrière ses fûts, comme le veut la tradition. Il devient coloriste, distributeurs de sons et bâtisseur d’univers sonore, à l’égal de n’importe quel autre musicien. Il s’échappe de son ancrage terrestre pour s’élever dans l’espace et jouer de l’infinie diversité des percussions.

Par ailleurs tout est égal, il n’y a plus de dynamisme vertical, plus de bruit, de colère ou de fureur comme souvent dans le Free Jazz, à part pendant quelques rares moments, la musique est calme, structurant le silence, elle puise son énergie dans la diversité des sons, dans la richesse des timbres, dans l’envolée virtuose…

Parfois, dans ces projets innovants, on sent poindre l’ennui au coin du bois, rien de tel à l’écoute de cet enregistrement, l’intérêt est maintenu pendant tout l’album, plusieurs écoutes successives sont même très stimulantes. Cet album fait décidément honneur à la série Byg Actuel !

Image utilisateur


Non Connecté cush
Inscrit le : 18/02/11
Membre Disque Diamant
3236 messages
Posté le 04/07/15 à 15:50

baskerville a écrit :
Sans vouloir être insistant, quand peut-on espérer lire la suite …



Merci pour la petite piqûre de rappel, ça m'a motivé du coup !

Non Connecté cush
Inscrit le : 18/02/11
Membre Disque Diamant
3236 messages
Posté le 05/07/15 à 14:12
16 - Andrew Cyrille ‎: What About?

Image utilisateur

A1 What About? 12:58
A2 From Whence I Came 10:08
B1 Rhythmical Space 12:22
B2 Rims And Things 6:50
B3 Pioneering 4:30

Percussion [Solo] – Andrew Cyrille
Recorded August 11, 1969, Studio Saravah, Paris.

Image utilisateur

Jimmy Lyons n’est pas le seul accompagnateur de Cecil Taylor qui a enregistré sur le label au bouddha, il sera précédé de quelques jours dans les studios par le batteur Andrew Cyrille qui va se lancer dans une performance en solo. Peut-être y-eut-il d’autres enregistrements comparables dans l’histoire du jazz, mais l’exercice, en cette année 69, n’est pas courant.

Une nouvelle fois Byg parie sur le risque et l’innovation en ouvrant les studios Saravah à l’un des batteurs les plus doués et innovant de sa génération. Andrew Cyrille partage avec Sunny Murray l’honneur d’être les seuls batteurs restés plusieurs années aux côtés de l’immense Cecil Taylor. La tâche n’est pas aisée, être un virtuose n’est pas suffisant, Cecil joue souvent de son piano comme d’un instrument percussif, élément central d’un tourbillonnement puissant. Il faut donc à la fois interagir au sein de l’orchestre, nourrir d’énergie la combustion rythmique, mais également être capable de se montrer fin et mélodique. Beaucoup d’intelligence est nécessaire pour se montrer convainquant aux côtés du maître. Andrew est tellement habile à ce jeu qu’il devient à lui seul une des clés ouvrant la porte d’entrée de la musique parfois ardue de Cecil Taylor. En se concentrant sur sa pulsation, ses bruissements rythmiques, ses roulements subtils, il vous emmène au cœur de la tempête, au milieu des vagues, emporté pour le meilleur dans un monde encore inconnu…

Incontestablement Andrew Cyrille est un grand, et sur cet album, il le prouve. Si vous êtes allergiques aux solos de batterie qui autrefois faisait partie intégrantes du show de tout groupe de rock sur scène, le plus souvent pour permettre aux autres membres du groupes d’aller se rafraîchir quelques minutes, rien n’est cependant perdu… Ici nous sommes assez loin des performances auxquelles le rock cantonne la plupart des batteurs. Elvin Jones est passé par là et a dynamité le rôle dévolu habituellement aux batteurs, les limites ont été sans cesse repoussées et Sunny Murray le premier est sorti définitivement de l’obligation d’assurer la pulsion rythmique en créant une nouvelle dynamique autour du jeu des cymbales.

Image utilisateur

Cinq morceaux ici sont joués avec cinq ambiances différentes. What about? est une démonstration éclatante d’une maîtrise exceptionnelle de l’instrument, le morceau ne cesse de surprendre, d’évoluer, de faire preuve d’une immense intensité musicale, chaque aspect de l’instrument est mis au service d’une dramaturgie d’une grande beauté, et l’on est surpris parce que l’on entend, tout ici est richesse et découverte, d’une grande délicatesse, et d’une grande subtilité …

« From Whence I came » sculpte le silence, intègre les sons de la voix, les bruits de gorge et les halètements qui accompagnent la résonnance des tambours. L’ambiance évoque une sorte de « recueillement tribal », calme et apaisant.
Retour à la batterie et à l’improvisation sur « Rythmical Space », comme le nom l’indique nous voilà en plein cœur d’un jeu où les rythmes se croisent, se brisent, se font écho ou se contrarient, les peaux d’abord, puis les cymbales. Les idées fusent, s’emballent puis s’arrêtent tout à coup, avant de repartir vers une autre direction, délimitant un nouvel espace… « Rims And Things » explore les timbres et les sonorités, jouant par phases brèves des silences taillés et cisaillés. Mille variations infimes accompagnent ce vagabondage musical, innovant et truculent. La dernière pièce fait place aux sifflets, appeaux ou percussions qui se succèdent, grâce au re-recording, sur un fond sonore continu produit par le battement des baguettes sur la caisse claire.

Ce projet audacieux pouvait faire craindre le pire, mais à aucun moment l’ombre de l’ennui ne plane pendant l’écoute de ce bel album, il est au contraire très diversifié, d’une infini richesse rythmique et, étonnamment, d’une grande beauté mélodique.

Image utilisateur

(Malheureusement pas d'extrait you tube pour cet album).

Non Connecté cush
Inscrit le : 18/02/11
Membre Disque Diamant
3236 messages
Posté le 05/07/15 à 21:12
Image utilisateur

La promo sortie en même temps que l'album de Joachim Kuhn...

Non Connecté cush
Inscrit le : 18/02/11
Membre Disque Diamant
3236 messages
Posté le 07/07/15 à 11:24
17 - Joachim Kühn: Sounds Of Feelings

Image utilisateur

Shadows, Where Ever We Turn 6:40
Scandal 3:50
Wester Meaning 8:21
Gaby Love 4:07
El Dorado 6:06
In The Middle Of The Way 6:37
Wellcome 4:38

Bass, Flute, Bells – J.-F. Jenny-Clark
Drums, Flute, Tambourine, Bells – Aldo Romano
Piano, Alto Saxophone, Shenai, Flute, Tambourine, Bells – Joachim Kühn

"Recorded January 25, 1969, Studio der Windrose, Hamburg"

Image utilisateur

Nous sortons une nouvelle fois des sentiers balisés avec cet album de Joachim Kühn enregistré à Hambourg au mois de janvier 69, mais qu’importe, le jazz Européen a tout à fait sa place ici. Joachim Kühn est né en Allemagne de l’est, bientôt il passe à l’ouest pour rejoindre son frère Ralph Kühn avec lequel il enregistre. D’une formation classique il s’intéresse principalement au jazz et aux musiques libres où sa virtuosité excelle. Européen il l’est dans l’âme, à l’image du trio qu’il anime, Aldo Romano, à la batterie, est italien et Jean – François Jenny-Clark, à la basse, est français. Ces deux-là sont inséparables et forme un duo d’une très grande complicité. Bien vite Joachim Kühn se lie d’amitié avec les deux compères et les membres du trio ainsi formé ne cesseront plus de se croiser tout au long de leurs carrières musicales.

Ce qui caractérise le trio avant tout c’est l’extrême liberté des musiciens qui le composent, toutefois cette liberté reste très organisée, ici l’auditeur est choyé et rarement violenté ou désarçonné, il peut se raccrocher sans cesse aux nombreuses branches qui balisent la musique : morceaux pas très longs, mélodies addictives, thèmes accrocheurs, citation opportune (El Dorado), rythmes parfois très rock… Il ne faut pas oublier qu’en cette année 69 est sorti « Dear prof. Leary » album de Barney Wilen sur lequel jouait Joachim Kühn et Aldo Romano, cet enregistrement est pionnier dans un genre qui saura faire école : le Free-Rock ! Il faut y voir la manifestation d’une plus grande ouverture d’esprit et d’une curiosité musicale parfaitement saine, même si l’ombre d’une musique plus « commerciale » sera agitée par les puristes… Méfions-nous de la « pureté » et de la « race », la richesse, amateurs de jazz nous le savons, provient de la diversité et des échanges.

Image utilisateur

Pourtant, avec « Sounds of feelings » nous sommes également plongés dans la modernité, le free, les dissonances et même l’atonalité. Depuis quelques temps Joachim Kühn s’est entiché du saxophone alto dont il joue tous les jours et à chaque concert, sur « Western meaning » il se livre à un exercice salutaire et bien déjanté… De même son piano s’échappe volontiers des grilles stéréotypées et s’en va explorer les territoires mouvants, il en est de même pour Aldo et Jean-François qui ne sont pas en reste, comme l’atteste la folie qui s’empare de « In the middle of the way » où tout semble soudain hors contrôle, comme au beau milieu d’une dance tribale ou d’une cérémonie d’exorcisme …

Le dernier morceau « Wellcome » est un hommage à John Coltrane qui a composé le thème. « Quand un musicien cherche, il passe toujours par John Coltrane » dit Joachim Kühn qui a trouvé sa voie, une voie médiane, européenne, bercée par un énorme lyrisme qui emplit sa musique. Joachim Kühn joue toujours, comme un soir à Porquerolles, en duo avec Archie Shepp, beau et émouvant à pleurer…

Un bien bel album.

Image utilisateur


Non Connecté cush
Inscrit le : 18/02/11
Membre Disque Diamant
3236 messages
Posté le 07/07/15 à 17:32
Image utilisateur

Eté 69, Archie Shepp à Paris, photo par Rose.

Non Connecté cush
Inscrit le : 18/02/11
Membre Disque Diamant
3236 messages
Posté le 07/07/15 à 21:01
18 - Archie Shepp: Blasé

Image utilisateur

A1 My Angel 10:00
A2 Blasé 10:15
B1 There Is A Balm In Gilead 6:00
B2 Sophisticated Lady 5:15
B3 Touareg 9:15

Bass – Malachi Favors
Drums – Philly Joe Jones (tracks: A1, A2, B2, B3)
Harmonica – Chicago Beau (tracks: A1, A2), Julio Finn (tracks: A1, A2)
Piano – Dave Burrell (tracks: A1 to B2)
Tenor Saxophone – Archie Shepp
Trumpet, Flugelhorn – Lester Bowie (tracks: B1)
Voice – Jeanne Lee (tracks: A1 to B2)

Recorded, August 16, 1969, Paris.

Image utilisateur

La période Impulse d’Archie Shepp est splendide, de magnifiques enregistrements, des classiques réputés: Four for Trane, Fire music, Mama too tight, The magic of Ju-Ju ! Elle représente une certaine sécurité pour Archie Shepp, financière bien sûr, mais aussi une sécurité de moyen et de confort d’enregistrement. Il suffit de mesurer le désarroi d’Albert Ayler lorsqu’il a été viré d’Impulse pour comprendre l’importance de l’enjeu. Malgré tout cela Archie Shepp va prendre le risque de l’insécurité. Lorsqu’il signe pour BYG, ces quelques enregistrements vont contribuer fortement à détériorer les relations qu’il entretenait avec l’écurie d’Outre Atlantique, les liens vont se déliter petit à petit… Certes Archie réussira à réenregistrer pour le prestigieux label, mais le ver est dans le fruit…

Dans la discographie d’Archie Shepp il y a donc des périodes très identifiables en fonction du label, curieusement, il est des biographies qui effacent complètement les enregistrements BYG, comme s’ils n’avaient jamais eu lieu, ce mépris est injuste et ignore l’ une des périodes les plus fécondes du saxophoniste… Certes les moyens ne sont en rien comparables avec ceux octroyés par Impulse, les enregistrements sont objectivement de moindre qualité, mais le musicien dirige et maîtrise la production artistique. En dix-huit jours Archie Shepp va enregistrer son quatrième album pour BYG, il se nomme Blasé.

Image utilisateur

Les harmonicistes Chicago Beau et Julio Finn introduisent, en un duo improbable, le premier morceau My Angel, d’emblée on comprend vite qu’ici il sera question de blues… La voix sans vibrato de Jeanne Lee se pose sur la musique, traînante, plaintive… Shepp souffle ses notes, les bonnes, en un seul souffle, un seul son, court, touché ! Frisson… Le piano de Dave Burrell joue inlassablement les mêmes cinq notes, rythmant la musique, jusqu’à ce qu’une sorte d’hypnotisme vous happe, vous livrant à vos émotions, sans défense… Philly Joe Jones assure lui aussi côté tempo, tambours, lourds, peine, frappe, frappe… à droite l’harmonica ponctue et geint… La voix de Jeanne Lee chante le blues, le psalmodie, le scande « my Angel, my sweet Angel »… improvisant la mélopée, c’est le blues tel qu’on le connaît, le vieux, celui qui vous arrache, qui pleure, qui pousse le cri, qui hurle sa plainte…

Blasé, Deux accords de piano, le décor est planté, quelques percussions, le saxo de shepp, plaintif, quelques notes qui dessinent une mélodie, une plainte, toujours ce piano, répétitif… Et Shepp va chercher les graves, vibrations, ça vous frappe au ventre… Beauté sombre et grave, créatrice d’émotions, comme si le destin avait fait son choix, implacable… Malachi Favors répète son thème, tandis que Jeanne Lee chante, ou peut-être bien que non, elle narre "Blasé... You shot your sperm into me" … Tambours, la musique est lourde, sombre, l’harmonica déchire, tapisse l’âme de ses griffures … Shepp pousse le blues, baiser de mort et d’amour, l’amour est cru, l’amour est cruel !
L’impression que tout n’a duré qu’un instant, comme si nous étions plongés dans un repli du temps, une sorte de rétraction temporelle causée par la dilatation des sens.

Image utilisateur

Face deux, There Is A Balm In Gilead avec Lester Bowie, le compère de Malachi Favors qui vient coloriser la berceuse avec sa trompette et son Flugelhorn…
La version de Sophisticated Lady est d’anthologie. Dave Burrell introduit le titre de façon free, mais dès les premières notes chantées par la voix au timbre unique de Jeanne Lee tout devient grâce et douceur, la voix se fait grave, caresse, féline, empreinte d’une sensibilité pleine de chaleur et de tendre réconfort, déjà elle avait illuminé de sa voix rare et sensible l’immortel « The Newest Sound Around » en duo avec Ran Blake, inscrivant dans le sillon l’un des chefs d’œuvre du Jazz, tout ce qu’elle chante se transforme t-il en or ? Rarement le titre d’Ellington aura bénéficié d’une telle qualité dans l’interprétation, tant elle est exceptionnelle.

C’est l’Afrique qui revient, avec Touareg, en hommage à ce peuple-cavalier, libre et insoumis, identitaire et ancré dans les traditions, fier et résistant à toute tentative d’assimilation. Chargeant en une cavalcade intense, Philly Joe Jones martèle les éléments, faisant feu de tous bois en un magnifique solo de grand seigneur, la basse intrépide court à ses côtés escaladant les cimes, tandis que là-haut Archie Shepp et son cri vocifèrent en bleu, on sent la force et l’énergie avec cette puissance, portée par un souffle libertaire, qui sait également dessiner d’immatériels volutes et de vaporeuses esquisses poétiques…

J’imagine l’émotion des musiciens lors de cette session. Le témoignage d’un moment de grâce. Essentiel.





Non Connecté luxfan
Inscrit le : 03/04/12
Membre Disque Diamant
4219 messages
Posté le 07/07/15 à 21:31

cush a écrit :
17 - Joachim Kühn: Sounds Of Feelings

Image utilisateur

Shadows, Where Ever We Turn 6:40
Scandal 3:50
Wester Meaning 8:21
Gaby Love 4:07
El Dorado 6:06
In The Middle Of The Way 6:37
Wellcome 4:38

Bass, Flute, Bells – J.-F. Jenny-Clark
Drums, Flute, Tambourine, Bells – Aldo Romano
Piano, Alto Saxophone, Shenai, Flute, Tambourine, Bells – Joachim Kühn

"Recorded January 25, 1969, Studio der Windrose, Hamburg"

Image utilisateur

Nous sortons une nouvelle fois des sentiers balisés avec cet album de Joachim Kühn enregistré à Hambourg au mois de janvier 69, mais qu’importe, le jazz Européen a tout à fait sa place ici. Joachim Kühn est né en Allemagne de l’est, bientôt il passe à l’ouest pour rejoindre son frère Ralph Kühn avec lequel il enregistre. D’une formation classique il s’intéresse principalement au jazz et aux musiques libres où sa virtuosité excelle. Européen il l’est dans l’âme, à l’image du trio qu’il anime, Aldo Romano, à la batterie, est italien et Jean – François Jenny-Clark, à la basse, est français. Ces deux-là sont inséparables et forme un duo d’une très grande complicité. Bien vite Joachim Kühn se lie d’amitié avec les deux compères et les membres du trio ainsi formé ne cesseront plus de se croiser tout au long de leurs carrières musicales.

Ce qui caractérise le trio avant tout c’est l’extrême liberté des musiciens qui le composent, toutefois cette liberté reste très organisée, ici l’auditeur est choyé et rarement violenté ou désarçonné, il peut se raccrocher sans cesse aux nombreuses branches qui balisent la musique : morceaux pas très longs, mélodies addictives, thèmes accrocheurs, citation opportune (El Dorado), rythmes parfois très rock… Il ne faut pas oublier qu’en cette année 69 est sorti « Dear prof. Leary » album de Barney Wilen sur lequel jouait Joachim Kühn et Aldo Romano, cet enregistrement est pionnier dans un genre qui saura faire école : le Free-Rock ! Il faut y voir la manifestation d’une plus grande ouverture d’esprit et d’une curiosité musicale parfaitement saine, même si l’ombre d’une musique plus « commerciale » sera agitée par les puristes… Méfions-nous de la « pureté » et de la « race », la richesse, amateurs de jazz nous le savons, provient de la diversité et des échanges.

Image utilisateur

Pourtant, avec « Sounds of feelings » nous sommes également plongés dans la modernité, le free, les dissonances et même l’atonalité. Depuis quelques temps Joachim Kühn s’est entiché du saxophone alto dont il joue tous les jours et à chaque concert, sur « Western meaning » il se livre à un exercice salutaire et bien déjanté… De même son piano s’échappe volontiers des grilles stéréotypées et s’en va explorer les territoires mouvants, il en est de même pour Aldo et Jean-François qui ne sont pas en reste, comme l’atteste la folie qui s’empare de « In the middle of the way » où tout semble soudain hors contrôle, comme au beau milieu d’une dance tribale ou d’une cérémonie d’exorcisme …

Le dernier morceau « Wellcome » est un hommage à John Coltrane qui a composé le thème. « Quand un musicien cherche, il passe toujours par John Coltrane » dit Joachim Kühn qui a trouvé sa voie, une voie médiane, européenne, bercée par un énorme lyrisme qui emplit sa musique. Joachim Kühn joue toujours, comme un soir à Porquerolles, en duo avec Archie Shepp, beau et émouvant à pleurer…

Un bien bel album.

Image utilisateur



J'ai cet album "interchange", je recommande aussi, c'est free et très subtil :

Image utilisateur

Non Connecté fred36
Inscrit le : 08/05/14
Membre Disque Diamant
4484 messages
Posté le 07/07/15 à 22:12
houla!! j'ai pris du retard


cush a écrit :
18 - Archie Shepp: Blasé

Image utilisateur

A1 My Angel 10:00
A2 Blasé 10:15
B1 There Is A Balm In Gilead 6:00
B2 Sophisticated Lady 5:15
B3 Touareg 9:15

Bass – Malachi Favors
Drums – Philly Joe Jones (tracks: A1, A2, B2, B3)
Harmonica – Chicago Beau (tracks: A1, A2), Julio Finn (tracks: A1, A2)
Piano – Dave Burrell (tracks: A1 to B2)
Tenor Saxophone – Archie Shepp
Trumpet, Flugelhorn – Lester Bowie (tracks: B1)
Voice – Jeanne Lee (tracks: A1 to B2)

Recorded, August 16, 1969, Paris.

Image utilisateur

La période Impulse d’Archie Shepp est splendide, de magnifiques enregistrements, des classiques réputés: Four for Trane, Fire music, Mama too tight ! Elle représente une certaine sécurité pour Archie Shepp, financière bien sûr, mais aussi une sécurité de moyen et de confort d’enregistrement. Il suffit de mesurer le désarroi d’Albert Ayler lorsqu’il a été viré d’Impulse pour comprendre l’importance de l’enjeu. Malgré tout cela Archie Shepp va prendre le risque de l’insécurité. Lorsqu’il signe pour BYG, ces quelques enregistrements vont contribuer fortement à détériorer les relations qu’il entretenait avec l’écurie d’Outre Atlantique, les liens vont se déliter petit à petit… Certes Archie réussira à réenregistrer pour le prestigieux label, mais le ver est dans le fruit…

Dans la discographie d’Archie Shepp il y a donc des périodes très identifiables en fonction du label, curieusement, il est des biographies qui effacent complètement les enregistrements BYG, comme s’ils n’avaient jamais eu lieu, ce mépris est injuste et ignore l’ une des périodes les plus fécondes du saxophoniste… Certes les moyens ne sont en rien comparables avec ceux octroyés par Impulse, les enregistrements sont objectivement de moindre qualité, mais le musicien dirige et maîtrise la production artistique. En dix-huit jours Archie Shepp va enregistrer son quatrième album pour BYG, il se nomme Blasé.

Image utilisateur

Les harmonicistes Chicago Beau et Julio Finn introduisent, en un duo improbable, le premier morceau My Angel, d’emblée on comprend vite qu’ici il sera question de blues… La voix sans vibrato de Jeanne Lee se pose sur la musique, traînante, plaintive… Shepp souffle ses notes, les bonnes, en un seul souffle, un seul son, court, touché ! Frisson… Le piano de Dave Burrell joue inlassablement les mêmes cinq notes, rythmant la musique, jusqu’à ce qu’une sorte d’hypnotisme vous happe, vous livrant à vos émotions, sans défense… Philly Joe Jones assure lui aussi côté tempo, tambours, lourds, peine, frappe, frappe… à droite l’harmonica ponctue et geint… La voix de Jeanne Lee chante le blues, le psalmodie, le scande « my Angel, my sweet Angel »… improvisant la mélopée, c’est le blues tel qu’on le connaît, le vieux, celui qui vous arrache, qui pleure, qui pousse le cri, qui hurle sa plainte…

Blasé, Deux accords de piano, le décor est planté, quelques percussions, le saxo de shepp, plaintif, quelques notes qui dessinent une mélodie, une plainte, toujours ce piano, répétitif… Et Shepp va chercher les graves, vibrations, ça vous frappe au ventre… Beauté sombre et grave, créatrice d’émotions, comme si le destin avait fait son choix, implacable… Malachi Favors répète son thème, tandis que Jeanne Lee chante, ou peut-être bien que non, elle narre "Blasé... You shot your sperm into me" … Tambours, la musique est lourde, sombre, l’harmonica déchire, tapisse l’âme de ses griffures … Shepp pousse le blues, baiser de mort et d’amour, l’amour est cru, l’amour est cruel !
L’impression que tout n’a duré qu’un instant, comme si nous étions plongés dans un repli du temps, une sorte de rétraction temporelle causée par la dilatation des sens.

Image utilisateur

Face deux, There Is A Balm In Gilead avec Lester Bowie, le compère de Malachi Favors qui vient coloriser la berceuse avec sa trompette et son Flugelhorn…
La version de Sophisticated Lady est d’anthologie. Dave Burrell introduit le titre de façon free, mais dès les premières notes chantées par la voix au timbre unique de Jeanne Lee tout devient grâce et douceur, la voix se fait grave, caresse, féline, empreinte d’une sensibilité pleine de chaleur et de tendre réconfort, déjà elle avait illuminé de sa voix rare et sensible l’immortel « The Newest Sound Around » en duo avec Ran Blake, inscrivant dans le sillon l’un des chefs d’œuvre du Jazz, tout ce qu’elle chante se transforme t-il en or ? Rarement le titre d’Ellington aura bénéficié d’une telle qualité dans l’interprétation, tant elle est exceptionnelle.

C’est l’Afrique qui revient, avec Touareg, en hommage à ce peuple-cavalier, libre et insoumis, identitaire et ancré dans les traditions, fier et résistant à toute tentative d’assimilation. Chargeant en une cavalcade intense, Philly Joe Jones martèle les éléments, faisant feu de tous bois en un magnifique solo de grand seigneur, la basse intrépide court à ses côtés escaladant les cimes, tandis que là-haut Archie Shepp et son cri vocifèrent en bleu, on sent la force et l’énergie avec cette puissance, portée par un souffle libertaire, qui sait également dessiner d’immatériels volutes et de vaporeuses esquisses poétiques…

J’imagine l’émotion des musiciens lors de cette session. Le témoignage d’un moment de grâce. Essentiel.



grosse claque !

Non Connecté cush
Inscrit le : 18/02/11
Membre Disque Diamant
3236 messages
Posté le 08/07/15 à 09:33

fred36 a écrit :


grosse claque !


Dans la discographie d'Archie Shepp il y an a plusieurs des comme ça...

Non Connecté cush
Inscrit le : 18/02/11
Membre Disque Diamant
3236 messages
Posté le 08/07/15 à 09:42
Image utilisateur

Portrait d'époque, Jacques Coursil un peu timide, voire crispé... Ne vous y fiez pas, un sphinx sommeille à l'intérieur !

Non Connecté cush
Inscrit le : 18/02/11
Membre Disque Diamant
3236 messages
Posté le 09/07/15 à 09:07
19- Jacques Coursil: Way Ahead

Image utilisateur

Duke 7:35
Fidel 10:03
Paper 18:45

Alto Saxophone – Arthur Jones
Bass – Beb Guérin
Drums – Claude Delcloo
Trumpet – Jacques Coursil

Recorded July 7th and 8th, 1969 at Studio Saravah, Paris

Image utilisateur

Jacques Coursil est un trompettiste né à Paris, enfant il baigne dans la culture musicale martiniquaise que ses parents lui enseignent. Découvrir cette île lointaine restera encore longtemps pour lui un rêve inaccessible, cependant sa vie sera conditionnée par les grands voyages. Le premier vers le Sénégal où il restera trois ans, dont deux en tant que militaire. Puis, en 1965 il migre vers les Etats-Unis où il joue aux côtés de Sunny Murray tout en étant l’élève du pianiste Jaki Byard. Il entre ensuite dans le groupe de Frank Wright où il joue aux côtés d’Arthur Jones qui est l’un des piliers de l’aventure Byg, il côtoie également l’une des rythmiques les plus solides du free, Mohammed Ali et le précieux Henry Grimes, dont le destin cruel fera de lui un véritable personnage de roman. Jacques Coursil passera quelques temps dans l’Arkestra de Sun Ra en tant que premier trompette, il apprendra beaucoup aux côtés du Soleil, il enregistrera également deux albums pour ESP, on le voit son expérience est déjà grande quand il arrive à Paris en compagnie d’Arthur Jones…

A l’écoute de cet album, on sent qu’il ne faut pas négliger l’influence de Bill Dixon qui signe le titre de la face deux. Loin de la fureur de Sunny Murray ou Frank Wright, il semble que les conceptions du théoricien/professeur Bill Dixon soient à l’œuvre ici, on est plus proche de l’album d’Anthony Braxton et de la démarche de l’ACCM, que d’Alan Silva ou Dave Burrell.

Image utilisateur

La face une est composée de deux titres, « Duke » est évidemment un hommage à Duke Ellington. Cet immense icône de l’histoire du jazz. Mais à travers le Duke c’est également toute la tradition du jazz qui est saluée, toutefois le quartet reste dans la modernité. On entend au travers du morceau, toute la tendresse et le respect dont bénéficie l’inégalable aîné. Arthur Jones fait preuve d’un grand lyrisme et la trompette de Coursil est toute en retenue révérencieuse. Beb Guérin est immense ici, comme toujours, il ajoute une grande tension et soutient la pièce avec une très grande gravité.

Le second morceau se nomme « Fidel », hommage au voisin rebelle, qui défie, malgré l'embargo, les Etasuniens depuis son île. Le jeu de Coursil évoque la frénésie des îles, les accents de la musique cubaine, mais avec une rapidité et un phrasé qui frise la panique, la basse ne chante pas comme le ferait Charlie Haden mais garde sa profondeur et sa gravité, Delcloo organise l’espace, avec économie, utilisant cymbales et percussions. On lit, dans le solo d’Arthur Jones, une apparente sérénité, si ce n’est cette tension que l’on devine, inquiétante et souterraine. Décidément un album très pudique, qui ne livre pas ses beautés facilement.

La version de « Paper » de Bill Dixon se situe dans la droite lignée de la première face, on retrouve les mêmes caractéristiques, un batteur-percussionniste assez discret, coloriste et dramaturge. Une basse très présente autour de laquelle les souffleurs discourent avec tendresse ou gravité, faisant preuve de beaucoup d’expressivité et de lyrisme, finalement, par moment et malgré l’absence du cri, pas si éloigné que cela de certains accents Aylerien.

J’aime.

Image utilisateur


Non Connecté cush
Inscrit le : 18/02/11
Membre Disque Diamant
3236 messages
Posté le 27/07/15 à 18:11
Lorsque le label BYG mit la clef sous la porte en 1972 suite à des problèmes financiers, ses fondateurs restèrent dans le milieu de la musique. Jean Georgakarakos changea son nom en Jean Karakos et fonda avec un certain succès le label Celluloïd branché « no wave » et « musique du monde » il réussit à être un pont entre la France et l’Amérique en créant un véritable partenariat avec le label ZE records et en trouvant une grande complicité avec Bill Laswell.

Jean-Luc Young, quant à lui, créa également un autre label : Charly Records. Très rapidement il s’exila en Angleterre où il se spécialisa dans la réédition de vieux catalogues comme Vee Jay, Sun ou Immediate. Mais ce qui nous intéresse particulièrement ici c’est la création d’un sous label nommé « Affinity » qui réédita une grande partie du catalogue BYG, particulièrement pour ce qui touche au Free Jazz, ainsi une grande partie de la série BYG Actuelle a connu une seconde vie. Les pochettes sont très reconnaissables avec leur fond noir et le sigle « Affinity » très voyant. Voici par exemple une pochette du numéro 20 de la série double actuelle, Echo de Dave Burrell, issue du lot de rééditions mis sur le marché à partir de 1974 :

Image utilisateur

Inutile de dire que les droits d’auteurs des artistes n’ont jamais été versés et que tout cela se passait dans l’illégalité et dans le plus parfait mépris pour les musiciens… L’acheteur, lui, s’y retrouve encore aujourd’hui, ces galettes bénéficient d’un bon pressage et sont le plus souvent très bon marché… On pourra également trouver sur ce label la réédition d’un album sorti chez BYG Japon, très difficile à trouver dans sa forme originale, le très beau « Orient » de Don Cherry :

Image utilisateur

Non Connecté majunga
Inscrit le : 12/11/13
Membre EP 45 t
34 messages
Posté le 27/07/15 à 19:12
Le Joachim Kühn et le Paul Bley ont été de vraies révélations

Un grand merci !!

Non Connecté cush
Inscrit le : 18/02/11
Membre Disque Diamant
3236 messages
Posté le 27/07/15 à 19:19

majunga a écrit :
Le Joachim Kühn et le Paul Bley ont été de vraies révélations

Un grand merci !!


Si j'ai pu aider à te les faire apprécier je suis comblé.
Vous devez être connecté pour ajouter de nouveaux messages.
Vous êtes ici : Accueil >> Index du Forum >> On Record >> La série « ACTUEL » du label BYG Records

Connecté(s) sur le site : et un certain nombres de visiteur(s)

testeur voyage Sections Vinyle
Vous disposez d'un droit d'accès, de modification ou suppression des données vous concernant à l'adresse suivante :contact
Copyright © 2009-2016 Vinyls-collection.com ® - Tous droits réservés