Un Topic (j’espère trouver le temps pour l’alimenter ! ) consacré à Willem Breuker, grande figure du jazz européen le plus intéressant, à savoir celui qui a su s’affranchir de l’influence américaine et affirmer ses identités.

Breuker est le genre de type comme on dit « bigger than life », qui a consacré sa vie à la musique : instrumentiste remarquable et compositeur prolixe, arrangeur, sideman, performer et improvisateur infatigable, créateur de labels indépendants (un des tous premiers en Europe), organisateur de festival, syndicaliste pour la cause des musiciens. Il a aussi travaillé pour le cinéma, le théâtre musical, la télévision…

Son groupe régulier, le « Willem Breuker Kollektief » joue depuis plus de 40 ans (encore aujourd’hui, même après la mort de Breuker en 2010) et s’est produit avec succès sur tous les continents, dans tous les contextes et devant tous les types de public.

Son éclectisme, sa curiosité dévorante, sa volonté de combiner musique savante et populaire motivée par son refus de l’élitisme et portée par un esprit iconoclaste, font de Breuker un passeur idéal entre les genres : du carton d’orgue de barbarie au concerto pour hautbois, des déflagrations free-jazz aux compositions d’une extrême rigueur, du grand orchestre à la fête de village, du spectacle de clown à des reprises d’Eric Dolphy, de John Tchicai à Ennio Morricone, Eric Satie ou Kurt Weill…

Comme il y a beaucoup de vidéos sur Youtube, ce sera l’occasion de vous faire partager quelques bons moments choisis.

Voilà un sujet qui s'annonce bien sympa et instructif, tu nous conseilleras sans doute quelques éléments de discographie, parce qu'elle est tout de même assez copieuse !



Oui, il y a le choix! bien décalé et ré-écrit avec brio ce "boléro" par exemple:

Très bon choix

Si vous voulez quasiment tout savoir sur Breuker, jetez-vous sur l'ouvrage de Jean* et Françoise Buzelin qui proposent une analyse très éclairante (sous l’angle historique, politique, sociologique, … et bien sûr musicologique) d’une pertinence qui force le respect. Une lecture passionnante, et qui plus est, facile d’accès. Franchement, c'est un des meilleurs portraits de musicien que j'ai pu lire.
Seul problème : le livre étant sorti en 1992 (je ne sais pas si la seconde édition a été mise à jour), il manque donc les 18 années qui ont suivi.




(*Jean Buzelin est graphiste, dessinateur, historien et critique musical, il a été producteur à France Musique, a travaillé pour Jazz Hot, Soul Bag, Jazz Magazine et Jazzman…)

je me tâte

En 1967, Willem Breuker se joint au batteur Han Bennink et au pianiste Misha Mengelberg, deux personnages hors normes qui cherchent eux aussi de nouvelles voies. Ils deviennent les catalyseurs de la nouvelle scène du « jazz » hollandais (forme de new thing batave ).

A ses débuts (et pour encore longtemps !) La free music, insoutenable pour beaucoup, suscite l’enthousiasme… surtout pour diviser violement les critiques et les publics ; c’est le débat récurrent entre traditionalisme et modernisme/avant-garde (pour exemple la querelle mémorable entre Hugues Pannassié et Boris Vian : les « figues moisies » contre les « raisins verts »).

Les pionniers américains ont durement bataillé pour se faire entendre (pensons simplement aux années de vache maigre de Cecil Taylor, à la violence des critiques envers Ornette Coleman ou même Coltrane (taxé de musicien « d’Anti-Jazz » par le magazine Downbeat en 1961). Même Mingus, plus fédérateur (et justement sans doute pour celà) se faisait aussi sifflé avec Eric Dolphy, lors de leurs fameuses joutes « vocales» sur scène (leur duo contrebasse et clarinette sonnait comme une conversation agitée).

Ce n'est pas plus facile à l’époque en Europe, malgré le vif intérêt d’un public encore retreint.

Face au rejet des producteurs traditionnels et à la frilosité de la critique (peu soutiennent le mouvement), Breuker et ses acolytes décident de fonder leur propre compagnie, pour diffuser librement et indépendamment leur musique. Ce sera ICP (Instant Composers Pool).
« Le principe de base de l’édition est l’autofinancement, la vente de chaque album devant permettre de couvrir les frais de production du suivant. La distribution évite les circuits commerciaux et se fait par correspondance ou par vente directe à l’occasion des concerts, ce qui élimine les intermédiaires et permet des prix peu élevés(…) (J. & F.Buzelin). Le modèle est toujours d'actualité

Leur positionnement est tout autant politique, comme le dit clairement Misha Mengelberg : « ICP, c’est d’abord une organisation musico-politique. Nous voulons faire de la politique. Toute la musique improvisée que nous jouons est une chose absolument neuve sur le continent européen. Elle se situe en dehors, ou juste à la frontière, de ce qu’on appelle la « culture ».

On est en pleine révolution culturelle des sixties, à la veille des évènements de 1968 en France, en Allemagne et en Europe de l'Est…
A la même époque, nait en Allemagne un autre label indépendant fondateur : FMP (« Free Music Productions »), et par la suite INCUS en Angleterre, BYG/ACTUEL en France - lisez les chroniques de Cush - ECM,… pour ne citer que les plus connus.




de gauche à droite : Willem Breuker, Misha Mengelberg, Maarten Altena et Han Bennink

Malgré les costards, ça bouge en 66 dans l'autre pays du fromage :



L'interview est très instructif

(trio non documenté sur disque)

En voilà une belle introduction bien documentée qui resitue le mouvement dans le contexte avec des liens et des références!

Un grand plaisir à te lire et à écouter (et regarder) le lien vidéo...

PS: (Je remarque l'habileté utilisée pour éviter la répétition du mot "hollande" ou "hollandais", en utilisant l'excellent "batave" et l'expression "l'autre pays du fromage"...)

Trouvé sur price minister à très bas prix, les frais de port sont plus élevés que le livre! Il reste encore quelques exemplaires autour de 6€!

bien vu.
Il semble que l'autre édition (chez Parenthèses) date aussi de 1992, de même format et aussi 262 pages. Donc pas de différences à priori...

J'ai cette édition sur parenthèse, faudrait que je prenne le temps de le lire... d'ailleurs faut que je me mette vraiment à lire...j'ai des paquets de bouquin à lire.

Pareil! je feuillette, parcours, picore, mais j'ai de moins en moins le courage de lire un bouquin en entier...
J'espère que celui-ci va me remettre dans le sens de l'effort!

Ça ne devrait pas être bien difficile ; le texte est captivant.

Le catalogue BVHaast (l'autre label de Breuker, créé en 1974, après qu'il ait quitté ICP) est riche de plus 300 références.
Quelques disques sortent du lot par leur packaging. Des objets créatifs, pour certains très recherchés par les collectionneurs.
En voici une sélection (certains méritent d'y revenir pour parler musique) :

Un LP sous pochette dans un sac en toile de jute :



Une pochette triangulaire, cauchemar des disquaires



Un album du tromboniste Willem Van Mannen, avec pochette "coulissante". Pas la peine de faire un dessin



Celle-ci qui fait de l’œil :



Le passage au CD (c'est quoi ce truc ?), dans une pochette de 33t ! :



Un joli coffret triple CD série limitée, grand format digipack :



Boitier métal ou tissu :




Il y en a aussi chez ICP :

Pochette évoquant les cartons perforés d'orgue de barbarie (album composé pour cet instrument)




La fameuse "boite de chocolat" contenant 2LP, peu courante donc chère, et rarement en bon état :



Idée reprise pour "Heibel" (sur BVHaast), version camembert :

Wouah! Il y a en effet de quoi susciter l'intérêt d'un collectionneur !
Pour le Cd dans une pochette 33 tours je confirme, c'est exactement à ce moment-là que je me le suis procuré, la transition entre les deux supports a ouvert plusieurs possibilités, dont celle-ci...
Autrement j'ai le BBB mais sans la toile de jute :/ du coup c'est moins bien!
Bravo pour avoir réussi à rassembler toutes ces pièces, vraiment "originales" dans tous les sens du terme !

Il me manque la version vinyle de "Lunchconcert for 3 barrel organs "
et celui-ci

Comme disait Woody Allen : "La richesse vaut mieux que la pauvreté, ne serait-ce que pour des raisons financières"

C'est ce qui s'appelle une greffe réussie !

Merci Porige de partager ta connaissance sur ce musicien.
Je ne le connaissais que de nom et, grâce à ton topic, j'ai découvert son univers musical passionnant !
J'ai aussi trouvé un des livres qui vont accompagner mon été !

c'est le but !




en voilà une bonne résolution

Du très beau monde sur ce disque (un classique !), enregistré en 1969 lors du festival free jazz de Baden-Baden
Le duo de clarinettes avec l'anglais John Surman clôt magnifiquement l'album :

Breuker a souvent interprété des musiques de Kurt Weill (j'y reviendrai) dont il est un grand connaisseur.
Ici une version virevoltante de "Song von Mandalay", en compagnie de son Kollektief, (trouvable ici, là et encore là )
avec un incroyable solo de sax soprano, remarquablement construit

Dans le même esprit, cette pièce infernale, dont parle Willem dans l'extrait du très bon documentaire produit par La HUIT (existe en DVD-R à prix raisonnable. Chaudement recommandé !)

Merci pour ces trois beaux extraits. sur les deux derniers on sent l'influence de la musique d'Europe centrale ou klezmer même. Grande admiration pour Kurt Weil également!

J'avais du temps à tuer cette aprem, je me suis donc mis à les lectures sur Breuker, une bonne soixantaine de page, ben je retrouve tous ce que je n'aime pas dans les ouvrages sur la musique, un paquet de paragraphe sur de la description des musiciens et des morceaux. C'est franchement pas passionnant à lire. Je préfère mille fois ce type de sujet avec des liens youtube pour apprendre à connaître l'artiste. Après les livres c'est bien pour remettre dans le contexte "historique", mais là pour un néophyte du bonhomme comme moi, j'ai trouvé ça assez pénible à lire.

Je vais me faire les différents morceaux proposés ici, histoire de mieux connaître le bonhomme.